Musée Réattu 1986
Jean-Maurice Rouquette
historien, conservateur honoraire du musée départemental Arles antique
Si l’on sait, depuis Vincent Van Gogh, quel rôle a joué le Midi et la fulgurance de son soleil dans la peinture contemporaine, qui dira jamais quel révélateur ont été pour la création de Fernand Michaud les sortilèges de la nuit provençale ? C’est devant le grand mur de la cour du Palais des Papes que cet Avignonnais par rendez-vous avec son talent allait conquérir sa lumière intérieure. Homme d’observation et de méditation, il s’était patiemment constitué dans la lente germination d’un univers rural, riche d’un savoir-faire acquis dans l’humble et superbe pratique de la photographie au quotidien. Seul le théâtre, par la tension de ses enjeux, par son exemplarité et son universalité pouvait féconder l’expérience humaine et spirituelle de notre photographe. ll fallait la densité de ces visages de créateurs, lourds de l’épaisseur d’une double vie vécue et imaginaire pour combler les exigences de son regard et répondre à la fièvre de ses interrogations.
Le portrait est l’affaire de toute une vie, la rencontre entre deux expériences d’être, la ferveur d’une écoute, la richesse d’une connivence. L’esprit mème des Rencontres, cette célébration d’instants fragiles et éphémères évoqués face aux colonnes du théâtre romain pour en partager l’éternité, ne pouvait laisser indifférent Fernand Michaud qui en fut l’un des tous premiers et plus fidèles amis. Mais l’objectif braqué sur l’un de ses pairs, l’implication du photographe dans le portrait prenait une nouvelle et singulière dimension. Cet exercice périlleux donne aujourd’hui au Musée Réattu le privilège d’accueillir, transfigurée par l’acuité d’un regard la « geste » photographique d’Arles, véritable mémoire des grandes heures de ces Rencontres, arbre généalogique somptueux de cette lignée. Portraits ou études de nus, l’intensité de la vision est exaltée par l’exceptionnelle qualité des tirages qui révèlent l’amoureuse complicité d’Odette Michaud à cette création.
Homme de terrain formé à la rude mais lumineuse école des expressions les plus populaires de la photographie, Fernand Michaud a su construire son oeuvre avec cette sérénité que donnent les blessures de la vie, cette souveraine lucidité du regard et cette incomparable générosité du cœur qui lui permet de tout comprendre et de tout pardonner.
Jean-Maurice Rouquette, 1986